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AZF, vingt ans après : où en est le risque industriel en France ?

Romain Imbach et Raphaëlle Aubert

21 sept. 2021

En 2001, l’explosion de l’usine toulousaine causait 31 morts et 2 500 blessés. Depuis, on a décompté six accidents majeurs et de nombreux incidents sur des sites Seveso.

Dans la matinée du 21 septembre 2001, l’explosion de plusieurs centaines de tonnes de nitrate d’ammonium stockées sur le site de l’usine d’engrais AZF, à Toulouse, entraînait la mort de 31 personnes et causait 2 500 blessés et de lourds dégâts matériels. L’explosion, correspondant à un séisme de magnitude 3,4 sur l’échelle de Richter, a été perçue jusqu’à 75 kilomètres. Depuis ce drame, la prévention du risque a été renforcée, sans toutefois éviter d’autres accidents majeurs, comme l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en 2019.

Près de 500 000 installations classées
Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) regroupent toutes les exploitations industrielles ou agricoles pouvant présenter des risques pour l’environnement (pollutions, nuisances), la sécurité ou la santé. La législation prévoit un classement des sites selon l’importance des risques.

Environ 450 000 installations, les moins polluantes ou dangereuses, sont soumises à déclaration. Tous les secteurs d’activité sont concernés : agriculture, agroalimentaire, industrie, traitement des déchets… Cela dépend de la nature et de la quantité de substances utilisées ou stockées. Il peut s’agir de viticulteurs produisant plus de 500 hectolitres par an ou d’ateliers d’imprimerie.22 213 installations (élevages, stations-service, entrepôts de produits combustibles) soumises au régime d’enregistrement ont fait l’objet d’une autorisation de mise en service par arrêté préfectoral.22 566 installations présentant « de graves risques ou nuisances pour l’environnement » sont soumises au régime d’autorisation. Une étude d’impact et de danger démontrant l’acceptabilité du risque doit être produite par l’exploitant et l’autorisation définitive de mise en service n’est délivrée qu’après la mise en place de mesures spécifiées par l’arrêté préfectoral.1 365 installations les plus dangereuses (raffineries, usines chimiques, dépôts pétroliers ou encore dépôts d’explosifs) sont classées Seveso. La directive européenne a été mise en place après une fuite grave dans une usine chimique italienne proche de la ville de Seveso en 1976. La dernière version, Seveso 3, entrée en vigueur en France en 2015, distingue 725 installations de « seuil haut » et 640 de « seuil bas », en fonction de la quantité de matières dangereuses présentes.Les installations nucléaires ne sont pas concernées par cette directive car elles sont placées sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
La répartition géographique de ces installations résulte de deux siècles de développement industriel lié aux grandes zones de peuplement ; le bassin parisien et le cours de la Seine jusqu’à Rouen, l’agglomération lilloise, Lyon et la vallée du Rhône, ainsi que la région de Marseille et de l’étang de Berre. Aujourd’hui, 2,5 millions de personnes vivent à moins d’un kilomètre d’une installation classée Seveso (dont 1,1 million pour les sites « seuil haut »), et 663 500 à moins de 500 mètres (277 000 pour les sites « seuil haut »).

Une législation durcie après AZF

Selon Patrick Chaskiel, professeur émérite à l’université Toulouse-III et spécialiste des risques technologiques, « il y a un avant et un après AZF dans la gestion du risque industriel ». De manière très directe, le gouvernement a fait fermer, au nom du principe de précaution, un atelier de production de phosgène de la SNPE, usine voisine du site d’AZF, pour raison de sécurité, mais c’est surtout, selon ce spécialiste, « la pression externe – des élus, des associations de riverains ou environnementales ou de l’Etat – qui a conduit à un durcissement de la législation et de la prévention de la part des entreprises ».

La catastrophe a conduit à l’élaboration de la loi risques, dite « loi Bachelot », du 30 juillet 2003, qui renforce les moyens de contrôle des installations et instaure la mise en place de plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Toutefois, ces plans sont fondés sur des calculs de probabilité des risques à partir des accidents ou événements déjà survenus, « ce qui suppose que ce qui s’est produit est suffisant pour imaginer ce qui peut arriver à l’avenir », nuance Patrick Chaskiel.

Déchets, chimie et agroalimentaire
Selon le dernier inventaire du ministère de la transition écologique sur les incidents et accidents technologiques, l’accidentologie est en baisse en 2020 – année marquée par deux confinements et des restrictions d’activité – avec 74 accidents dans les installations Seveso, contre 79 en 2019 et 106 en 2018. On note aussi un recul pour les accidents survenus dans l’ensemble des installations classées (hors Seveso), avec 255 accidents l’année dernière contre 372 en 2019 et 334 en 2018.

Cinq secteurs d’activité ont concentré plus de deux tiers des accidents en 2020. En tête, le secteur des déchets et des eaux usées recense 22 % des accidents, suivi par l’industrie chimique et pharmaceutique (16 %), l’agroalimentaire (12 %), l’agriculture et l’élevage (11 %) et la métallurgie (8 %).

Des accidents graves rares, mais pas inexistants
Les accidents industriels sont enregistrés dans la base de données Aria et sont classés pour chacun de leurs impacts sur une échelle européenne de 0 à 6. Le niveau 0 correspondant à aucune conséquence, le niveau 6 aux conséquences maximales.

Les conséquences de l'accident d'AZF en font un accident de niveau 6 sur le plan humain (31 morts et 2 500 blessés), de niveau 6 sur le plan économique (661 millions d'euros de conséquences économiques estimées) et de niveau 2 sur le plan environnemental.

Evolution du nombre d'accidents survenus dans des sites classés Seveso, selon la gravité et le type de conséquences :
Humaines Environnementales Economiques
Source : Base de données ARIA (analyse, recherche et information sur les accidents), Ministère de la Transition écologique

Sept accidents très graves en vingt ans
Thomas Le Roux, historien, estimait en 2019, dans une tribune au Monde, « qu’en matière d’industrie dangereuse, l’accident n’est pas exceptionnel, c’est la norme » et que la régulation ne protégeait pas assez la population. Patrick Chaskiel insiste de son côté sur le fait que la « prévention n’est jamais suffisante, car la sécurité n’a pas de limite ».

Si aucun accident n’a provoqué autant de morts que celui d’AZF dans les vingt dernières années, on a décompté six autres accidents atteignant les niveaux les plus élevés de gravité dans des installations Seveso en France, dont l’explosion de l’usine Lubrizol.

Les plus importants accidents industriels en France depuis vingt ans

Accidents de niveau 6 (humain, environnemental ou économique) sur l'échelle européenne des accidents industriels

18 juin 2001 – Incendie dans une papeterie à Venizel (02)

Une zone en forme de cône de 30° de 2,5 km est placée sous surveillance avec interdiction de consommation des productions végétales suite à l'incendie de transformateurs électriques et la combustion de polychlorobiphényles (PCB) et dioxines.

21 Septembre 2001 – Explosion dans l'usine d'engrais AZF à Toulouse (31)

La violente explosion d'un stock de nitrate d'ammonium provoque la mort de 31 personnes et fait plus de 2 500 blessés.

28 novembre 2003 – Site Noroxo à Harnes (62)

Une vague de légionellose s'est propagée à partir des tours aéroréfrigérantes de l'usine pétrochimique faisant 83 victimes, dont 18 cas mortels.

16 mars 2008 – Raffinerie à Donges (44)

Une fuite (1 500 m3 de fioul) sur une canalisation de transfert d'une raffinerie occasionne un important épandage dans l'estuaire de la Loire. Plus de 750 personnes sont mobilisées pendant 3,5 mois pour le nettoyage de 90 km de berges souillées.

23 juillet 2012 – Usine pharmaceutique Oril à Bolbec (76)

Une pollution de la nappe phréatique par des nitrosamines (substance potentiellement cancérogène) provenant de l'usine a été détectée. Plus de 20 000 habitants de 17 communes sont invités à ne plus consommer l'eau du robinet pour des usages alimentaires jusqu'à la fin du mois suivant.

6 mars 2017 – Usine chimique Arkema à Saint-Auban (04)

La présence significative de bromates (substance cancérigène) a été détectée dans la Durance et un captage d'eau potable à Villeneuve, provenant d'un rejet de l'usine. Des mesures de restrictions d'usage de l'eau et de distribution de bouteilles sont mises en place.

26 Septembre 2019 – Lubrizol à Rouen

Un incendie majeur se produit dans un site de stockage de l'usine de lubrifiant ou du site voisin accueillant les entrepôts de Normandie Logistique. L'incendie prend rapidement de l'ampleur ; il brûle plus de 9 000 tonnes de produits chimiques et un épais panache de fumées noires s'étend sur plus de 22 km occasionnant de fortes odeurs et retombées de suies à plus de 100 km. Des mesures de confinement et de fermeture des écoles sont mises en place, ainsi que des restrictions sur les produits agricoles. Aucun mort ni blessé ne sont à déplorer.

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